Depuis 5 ans tu t‘attaches à peindre les mêmes objets et à le faire aussi bien que tu peux ?
Quel plaisir y trouves-tu ?
C’est vrai, j’ai commencé par explorer le dernier des genres picturaux : la nature morte. Le choix des matières
inertes, c’était d’abord pour apprendre à peindre. En passant d’abord par des photographies, je peux avoir un
point de vue très proche et m’intéresser aux détails. Car je compose des images où les objets s’imposent d’abord
pour leurs matières et leurs couleurs. Ces compositions me permettent d’exprimer mon goût du réel et de pallier
à mes envies d’abstraction colorée.
Avant de peindre, je réadapte toujours mes images, je les recadre, je les retouche et parfois les déforme.
S’agit-il pour toi seulement de copier des images et non d’interpréter ? Si tu as forcément besoin de la
photographie, que penses-tu apporter de plus avec ta peinture ?
Quand je choisis de reproduire, pendant de nombreuses heures, une image qui s’affiche en millions de
couleurs sur mon écran Led, je me pose forcément cette question.
Je peins pour prendre le temps de voir, comme une seconde approche de l’image.
C’est la traduction picturale, le jeu d’imitation, qui m’intéresse. Et le “fait main”, tout simplement.
Aussi, l’attention et la minutie que j’apporte fait partie du sujet même de mes tableaux.
La seule question qu’ils soulèvent serait peut-être : pourquoi se donner du mal à représenter ce qui semble être si peu
noble ? En devenant motif de mes oeuvres, ce qui pourrait être voué à la déchetterie ou au récupérateur de
vêtement a le droit à une nouvelle existence, sublimé par la peinture. J’assume pleinement ce “recyclage”.
Es-tu attaché à ces objets ? Tu ne représentes pas n’importe quel tissu, n’importe quel morceau de bois. Aurais-tu tout de même des histoires à raconter ?
Je reconnais que je ne suis pas capable de composer avec des objets qui me sont complètement étrangers.
Alors oui, il y a forcément des anecdotes personnelles qui circulent entre les tableaux et qui, en partie, les ont
motivés. Mais au final, c’est surtout l’histoire d’un pari pictural sur la couleur et la matière, malgré l’apparente
banalité des objets choisis.
Antoine Gehanne










